La Gare de l’Etat

En 1878 différentes petites compagnies ferroviaires situées entre Bordeaux et La Roche-sur-Yon sont fusionnées dans un réseau unique administré par l’Etat. De ce fait, ce réseau n’est pas géré par une compagnie, mais par une « Administration du Réseau de l’Etat ».

Ce réseau ne s’étend vers le sud que tardivement. Dans un premier temps elle ne peut parvenir à Bordeaux que par sa ligne de Saint-Mariens à Libourne. A partir de là les trains empruntent le réseau du P.-O., pour rejoindre Bordeaux, ce qui coûte fort cher en redevances !

Les gestionnaires compte bien réaliser une excellent opération en faisant l’acquisition de la ligne de La Sauve. Mais hélas le plan Freycinet n’en faisait pas une priorité, et le projet fut lourdement freiné. D’autant qu’en arrière plan, le P.-O. continuait de tirer les ficelles pour arriver à ses fins : en 1883 il obtient la gestion provisoire de la ligne, qui devint définitive deux ans plus tard. Mais il faut bien reconnaître au passage que les délimitations géographiques des compagnies justifiait absolument l’appétit du P.-O. ! Ce qui est un échec pour l’Administration du Réseau de l’Etat a au moins l’intérêt de simplifier la situation à Bordeaux, puisque la gare de Bordeaux-Passerelle était complètement dépassée.

La Dordogne est franchie en 1886 grâce au viaduc de Cubzac-les-Ponts. Il est conçu par les ingénieurs Prompt et Gérard, et construit par les entrepreneurs Lebrun, Pillé et Daydé. Puis sous Lormont le long tunnel de la Ramade se montre compliqué à percer, c’est pourquoi les trains contourneront la colline par l’ouest en circulant encore sur le réseau du P.-O. entre Bordeaux et Ambarès, et ce jusqu’en 1893, date d’achèvement du tunnel.

L’emplacement de la Gare de Bordeaux-Etat (appelée parfois Bordeaux-Deschamps) avait été choisi sans difficulté : il aura suffi de relancer un précédent projet de la Compagnie de Charentes. Et c’est ainsi que la gare est achevée le 1er août 1896 à l’emplacement de l’actuelle Caserne des Pompiers de La Benauge. Le choix est quasiment idéal, sur le plan urbain, en raison de la proximité immédiate de la Place du Pont (Place Stalingrad) et du Pont de Pierre lui-même. Sur le plan ferroviaire la situation est intéressante également : l’idée d’une voie totalement séparée, comme l’avait prévue la Compagnie des Charentes, est abandonnée au profit d’un embranchement sur le raccordement du Midi au P.-O., au sortir de la Passerelle, qui donne ainsi accès au Nord non seulement pour rejoindre le réseau de l’Etat à partir du tunnel de la Ramade sous Lormont, vers Nantes, mais aussi pour emprunter éventuellement le réseau du P.-O. (contre redevances, dans ce cas). Une souplesse qui n’avait que des avantages.

C’est la même année que l’Etat fait construire la gare de Bordeaux-Benauge. Elle est située d’une manière étrange, car s’il y a bien une ligne de l’Etat qui arrive à Bordeaux par le tunnel de la Ramade, et s’il y a bien une gare de l’Etat, les deux sont reliés par le raccordement du Midi au Paris-Orléans. Or cette dernière n’a aucunement vocation à gérer ce court passage des trains de l’Etat sur son « territoire ». C’est pourquoi la gare de Bordeaux-Benauge est édifiée aux frais de l’Administration de l’Etat sur un raccordement qui, à l’origine, ne la concerne pas. Mais du coup, le personnel Etat de Bordeaux-Benauge gère le passage des trains qui relient la gare d’Orléans et la ligne d’Eymet ! Cette situation a beau être courante dans de nombreuses gares inter-réseaux, elle n’en reste pas moins étonnante dans les faits.

En 1900 sont édifiées des halles marchandises sur le faisceau de l’Etat, qui seront globalement appelées “Bordeaux-Deschamps”, y compris plus tard par la SNCF.

Parmi le trafic du Réseau de l’Etat on peut remarquer que les omnibus de la section Bordeaux à St-Mariens méritaient vraiment leur nom car ils s’arrêtaient vraiment partout : 16 arrêts, notamment à chaque bout du tunnel sous Lormont !

En 1938, la fusion des compagnies au sein de la SNCF rend obsolète le nom de « Gare de Bordeaux-Etat », qui est remplacé par « Bordeaux-Deschamps », du nom du quai où elle est située.

En 1944 le Viaduc de Cubzac est mis hors service par les allemands, qui font basculer l’extrémité d’une travée dans la Dordogne. Entre Bordeaux et Saintes les trains doivent donc passer par Libourne et Marcenais pour rejoindre St-Mariens. Le viaduc sera remis en service à voie unique en juin 1946 et à double voie quatre mois plus tard.

Etat gare

Gare de Bordeaux-Etat, à l’emplacement de l’actuel Caserne des Pompiers de La Benauge.

En 1950 la très jolie gare d’origine Etat est démolie pour laisser place à la Caserne des Pompiers de La Benauge, sort que partage le bâtiment de l’ancienne gare du Tramway de Cadillac, toute proche.

Le faisceau des voies demeure cependant, servant encore de gare de marchandises auquel la SNCF conservera le nom de Bordeaux-Deschamps. L’embranchement existera jusqu’au début des années 80. La halle des marchandises, en charpente métallique typique de l’époque 1900, sera partiellement incendiée en 2006, ce qui permettra de la détruire complètement.

En 2007 la mise en service de la halte de Cenon cause la fermeture de la gare de Bordeaux-Benauge, qui sera finalement rasée les 28 et 29 juin 2011 pour dégager le passage à 4 voies de l’ancien raccordement du Midi au P.-O.